L'impact de la greffe sur la recrudescence de l'esca

Ajouter aux favoris

Ajouté le 17/10/2017

Retour d'expérience

L'impact de la greffe sur la recrudescence de l'esca

Imprimer la fiche

  • Marc Birebent -
  • Technicien/prescripteur/Conseiller
  • - Carnoules-83

Accédez rapidement à ce qui vous intéresse :

Description Commentaires

En 1895, le professeur d’agriculture Baptiste Drouhault écrivait dans la Revue de Viticulture, ancêtre du Progrès Agricole et Viticole : « C’est de la perfection des soudures que dépendent surtout la vigueur et la longévité des vignes greffées. […] On cherche souvent la cause du dépérissement de beaucoup de ceps dans des phénomènes plus ou moins caractérisés, alors qu’elle réside simplement dans une mauvaise soudure ».

A la fin du XIXe siècle, pour combattre la crise phylloxérique, les vignes furent greffées manuellement au champ sur des pieds américains naturellement résistants au puceron ravageur. Au cours du XXème siècle, les greffages se sont progressivement mécanisés. Depuis cette époque, on assiste à une réduction considérable de l'espérance de vie des plants de vigne. Les vignes qui vivaient auparavant multi-centenaires ont vu leur durée de vie ramenée à cent ans lorsqu’elles étaient greffées au champ manuellement. Depuis les années 1970, avec la généralisation du clonage et la mécanisation quasi industrielle du greffage, leur espérance de vie a été drastiquement réduite puisqu’elle n’est aujourd’hui plus que de vingt-cinq ou trente ans. De façon concomitante, on assiste à une multiplicité des phénomènes de dépérissements inexpliqués et à une recrudescence des maladies et champignons du bois, et notamment l’esca.

On sait aujourd’hui qu’il faut éviter les blessures traumatisantes pour préserver les vignes des champignons du bois. Or la première blessure infligée au plant de vigne, c’est la greffe.

La qualité de la greffe est fondamentale, et son incidence sur les phénomènes de mortalité prématuré tout aussi importante.

Le greffage idéal consiste en un ajustement parfait des tissus cambiaux du greffon et du sujet, sur la plus longue surface possible. Le bourrelet de soudure généré par la cicatrisation revêt une incidence capitale sur la physiologie du plant et sur sa nutrition. Un bourrelet disharmonieux va constituer un véritable goulet d’étranglement, à partir duquel se créé principalement l'accident vasculaire. Notons que les accidents vasculaires attribués à l'esca se produisent toujours en présence de nécroses internes.

En revanche, lorsque la soudure de la greffe est harmonieuse et donne une bonne vascularisation, elle n’engendre pas de dégradation tissulaire, ni ne crée de zones de nécroses. Les plants de vigne sont alors plus résistants et aptes à se défendre contre les organismes pathogènes. Sans présence de bois mort, les champignons saprophytes, comme l’esca, ne peuvent pas se développer.

Greffage manuel au champ sur porte-greffe raciné (greffe au bourgeon)

Parmi les techniques de greffe existantes, certaines sont plus douces et qualitatives, et d’autres très traumatisantes et nocives pour le végétal. Il est désormais avéré que les greffages manuels au champ sont plus qualitatifs, et qu’ils produisent des plants de vignes plus résistants et plus durables. cf. “Impact of grafting type on Esca foliar symptoms”, (Séverine Mary, Coralie Laveau, Pascal Lecomte, Marc Birebent, Jean-Philippe Roby, paru le 30 Juin 2017 dans la revue OENO One, Vol 51, No 2 (2017) ).

Le greffage doit obligatoirement être repensé selon la même prise de conscience qui nous amène à reconsidérer nombre de nos pratiques culturales « récentes », car il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un ensemble de facteurs qui concourent tous ensemble à notre désastre viticole. Dans le livre d'Agatha Christie, "Le Crime de l'Orient Express", il n’y avait pas un seul, mais plusieurs assassins, et les coups de poignard furent portés par chacun d’entre eux, tour à tour. Dans notre cas, les coupables sont également multiples, et tous ont infligé des blessures (taille, tracteur, labour, etc…). Mais la première et la plus importante d’entre elles, celle qui a porté le coup fatal, c'est la greffe…

Les problèmes de dépérissements et de maladies du bois ne sont pas une fatalité. Il est possible d’inverser la tendance, en faisant simplement preuve de bon sens. Tant que le greffage des plants de vigne sera nécessaire, il est fondamental de le faire de la manière la plus qualitative possible, au moyen de pratiques respectueuses du végétal et de la biodiversité. Ainsi, nous recréerons des vignes résistantes et durables.

Pour plus d'information, consulter la fiche pdf ici

Logo

Commentaires

Il y a actuellement 0 commentaire(s)

Ajouter un commentaire

Contacter l'auteur de la contribution