L’esca / BDA en Bourgogne au cours des XXe et XXIe siècles

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Ajouté le 07/11/2018

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L’esca / BDA en Bourgogne au cours des XXe et XXIe siècles

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La reconstitution du vignoble français à la fin du XIXème siècle a conduit à la recrudescence des maladies du bois (apoplexie, folletage) comme en témoignent certains écrits de l’époque. Ces maladies étaient préoccupantes dans le Midi et également bien présentes dans les vignobles de la façade atlantique (Anjou, Charentes, Bordeaux). Leur importance était tout à fait comparable à ce que nous connaissons aujourd’hui. Contrairement à tous ces vignobles, les vignobles septentrionaux étaient peu touchés mais le sont devenus au début du XXIème siècle.

A partir des données climatiques de la région bourguignonne (depuis 1901), d’observations réalisées annuellement dans ce vignoble ainsi que des connaissances acquises sur les facteurs climatiques favorisant l’expression des symptômes esca / BDA, une grille d’évaluation du risque de leur manifestation a été créée. Les facteurs pris en compte sont le niveau de pluviométrie et la moyenne des températures maximales pour la période comprise entre le 1er mai et le 30 septembre. Cette grille est constituée de cinq classes auxquelles est attribuée une note traduisant le niveau du risque d’expression. Plus la note est faible, plus l’année est défavorable à la manifestation des symptômes et plus la note est élevée, plus elle est propice.

Cette grille a ainsi permis de comprendre pourquoi l’esca /BDA a été peu présent au cours du XXème siècle dans cette région viticole (voir figure 2). Les conditions climatiques étaient peu ou moyennement favorables à son expression et cela jusque dans les années 80. L’interdiction des traitements à l’arsénite de sodium en raison de son caractère cancérogène depuis 2001 et des conditions climatiques devenant de plus en plus favorables à l’expression de la maladie expliquent sa recrudescence. Selon les prévisions climatiques prévues dans cette région, il est fort probable que les trente prochaines années seront surtout marquées par des années favorables, voire très favorables à l’expression des symptômes.

Figure 2

Figure 2 -  Evaluation du risque d’expression de l’esca / BDA au cours des XXème et XXIème siècles en Bourgogne.

De 1901 à aujourd’hui, cinq phases distinctes retracent l’historique de cette maladie de dépérissement :

  1.  Les conditions climatiques sont peu favorables à l’expression des symptômes. Les informations trouvées dans l’ancienne littérature indiquent que cette maladie est rare ou considérée comme une maladie nouvelle (sources : Bulletin du Syndicat viticole de la côte dijonnaise 1912, Bulletin de la société vigneronne de l’arrondissement de Beaune n°163).
  2.  Les conditions climatiques deviennent plus propices à son expression suite au réchauffement progressif de l’été jusqu’en 1947 (selon Le Roy Ladurie et al. 2006). L’utilisation régulière de l’arséniate de plomb à cette époque pour lutter contre les vers de la grappe empêche sa manifestation. Ce produit était appliqué pendant la période végétative avant la floraison pour lutter contre leur première génération (source : Bulletin de la société vigneronne de l’arrondissement de Beaune n°170).
  3.  Suite au léger rafraîchissement estival jusqu’en 1977 (selon Le Roy Ladurie et al. 2006), les conditions climatiques deviennent de moins en moins favorables à leur manifestation pour même y devenir très défavorables durant les années 60. Elle ne touche que quelques souches et d’ailleurs les traitements avec les produits arsenicaux n’étaient préconisés que pour les vignes qui ont été rabattues suite à des hivers froids et non pas à l’égard de l’esca (source : avertissements agricoles de la Station de Bourgogne – Franche-Comté, Bulletin janvier 1965).
  4. Les conditions climatiques redeviennent plus favorables à l’extériorisation de l’esca/BDA en raison de la phase de réchauffement qui a commencé à partir de 1978 selon Le Roy Ladurie et al. (2006). La maladie a pu être contrôlée par l’emploi de l’arsénite de sodium. Selon les informations fournies par Adivalor sur la collecte de l’arsénite de soude en Bourgogne, 12 tonnes et 31 tonnes de produit ont été respectivement récupérés en Côte d’Or et en Saône-et-Loire.  Pour une surface viticole équivalente à celle de la Gironde pour laquelle le produit a été largement utilisé, on en aurait récupéré une fois et demie de plus en Saône-et-Loire qu’en Gironde, ce qui signifie un large emploi d’un tel produit, du moins dans ce département.
  5.  Les conditions climatiques deviennent encore plus propices à l’expression des symptômes. Ce fait, additionné à l’interdiction des traitements avec l’arsénite de soude à partir de 2001 en raison de son caractère cancérogène, a conduit à une recrudescence des maladies du bois dans le vignoble bourguignon. Cette double peine pour les viticulteurs s’est traduit tout d’abord par une inquiétude des Professionnels sur la propagation de cette maladie sur l’ensemble du vignoble bourguignon (sources : Journal « l’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire » du 24 octobre 2008, le Journal de Saône-et-Loire du 7 mai 2009), puis par des manifestations (marche silencieuse des viticulteurs à Mâcon le 26 octobre 2012, déversement de pieds de vigne devant les permanences des parlementaires de Saône-et-Loire le 4 novembre 2014).

Le Roy Ladurie Emmanuel, Daux Valérie, Luterbacher Jürg. Le climat de Bourgogne et d'ailleurs (XIVe-XXe siècle). In : Histoire, économie et société, 2006, 25ᵉ année, n°3. Echec et magistrature. pp. 421-436.

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